Alexandre Periama

Évoluant depuis mon plus jeune âge au sein d'une famille composite - père guadeloupéen, mère allemande - où l'art s'exprime amplement, j'y ai vu, au fur et à mesure de ma progression, de la primaire à ce jour, un espace salvateur. Assurément, ce qui me semblait être de prime abord un exercice ludique, un loisir, s'est transformé en une nécessité, une manière d'explorer et d'interroger le monde.

Ma pratique a débuté en Guadeloupe avec les outils qui étaient alors à ma portée, tels les crayons de couleurs, les stylos-billes, la peinture à l’eau, les feutres etc...
Puis à partir de l’âge de cinq ans, l’univers visible qu’il ma été donné de percevoir, s’est essentiellement divisé en deux mondes bien distincts, contribuant ainsi à alimenter mon goût pour les contrastes prononcés. Le monde tropical, caractérisé par un dialogue permanent entre une nature riche, proliférante, et un urbanisme en permanente guérilla pour maintenir ses distances. Lequel érige des frontières toujours plus marquées, vampirise chaque parcelle trop longtemps délaissée.
Le monde parisien quant à lui, territoire urbain en expansion, assouvit ses capricieux désirs de régulation d’une nature en apparence asservie et communément réduite à l’état de simple accessoire décoratif. Le rapport de force - si tant est qu’il puisse avoir une réalité pertinente - humain / nature, m’a paru cette fois radicalement différent. Là où j’aurais souhaité une cohabitation heureuse, j’assiste malheureusement à une lutte inégale, qui penche d’un côté ou de l’autre, suivant que l’on arpente la capitale ou les territoires de l’archipel...
Pour revenir à la création, j’ai compris en étudiant les artistes et leurs théories, en participant entre autres, aux cours de la faculté d’arts plastiques de la Sorbonne, et en allant voir des expositions, que l’art serait plutôt « cosa mentale », sans amoindrir pour autant la composante émotionnelle, intuitive et instinctuelle.
Bien que je sois sensible à de nombreuses formes d’arts et m’adonne par ailleurs à certaines d’entre-elles, la photographie notamment en noir et blanc, occupe une part très importante au sein de ma pratique. Elle permet selon le sujet abordé, de proposer un certain caractère intemporel à l'image, particularité ouvrant selon moi d’autant plus, le champ à l'imaginaire, stimulé qu’il peut être par exemple, par l'absence de couleurs. Le regard peut ainsi s’égarer plus aisément dans les contrastes, réinterpréter librement ce qui s’offre à lui, au gré des sensations en permanente évolution...
Littéralement "écriture de lumière", la photographie y compris numérique, admet également une grande variété d'expérimentations. C’est d’ailleurs ce caractère expérimental, ce jeu avec ses limites, mais aussi le côté instantané, qui rend la photographie si attrayante à mes yeux ; en particulier lorsque je manipule à travers son filtre, des images directement extraites du réel perçu.
Cependant quelle que soit la forme que revêt mon travail, il n’a pas pour cible principale les rapports humains - bien qu’ils entrent d’une manière plus ou moins lointaine, dans l’équation -, aussi divers et variés, aussi intéressants et déterminants qu’ils puissent être, pour comprendre le climat politique, environnemental et scientifique actuel. Les problématiques sociales de nature interpersonnelles, se situent pour moi, du moins pour l’instant, au second plan de mes aspirations.
En effet, je m’intéresse à un aspect plus général, en traitant des questions notamment environnementales et écologiques de notre époque. Car c’est une préoccupation on ne peut plus brûlante, ayant cette qualité d’éliminer les barrières élevées au cours de l’histoire humaine...

Loin de me contenter d’un constat amer sur des faits, je voudrais proposer une relecture de certains phénomènes en marche, inéluctables, comme la sixième extinction massive des espèces, ou encore, les modifications majeures ou mineures, induites par le changement climatique. Comment conserver une approche esthétique à travers une pratique de l’art tout en traitant de sujets dramatiques ? Comment formaliser sa sensibilité dans une optique phylogénétique ? Autrement dit, comment la rendre accessible à autrui ? Toute mort n’amènerait-elle donc pas avec elle l’espoir d’une renaissance ?